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Retour sur l'exposition Turner, Whistler, Monet aux Galeries du Grand Palais à Paris

Le 17/12/2025

Le Grand Palais nous invite à être les spectateurs du dialogue animé et posthume que Whistler et les peintres impressionnistes, dont Monet, entretinrent avec Turner, leur célèbre précurseur britannique. L’exposition souligne la filiation et l’influence que Turner eut sur ses successeurs mais aussi les liens tissés entre l’œuvre de Whistler et celle de Monet, contribuant à les rendre inséparables, mettant en relief la parenté de leurs démarches et de leurs recherches, qu’elles soient tour à tour menées à Paris, à Londres ou à Venise.

Si le terme "impressionnisme" naît en 1873 pour railler le tableau de Monet Impression, soleil levant, l’esprit en est antérieur d’au moins un demi-siècle et c’est outre-Manche que l’on trouve l’une des racines essentielles de ce mouvement popularisé à la fin du XIXe s. A William Turner (1775-1851) donc, l’honneur d’ouvrir le bal.

Cet admirateur du Lorrain, qui aurait pu présider ce dialogue continu de ses trois successeurs, fut le premier à enfreindre l’académisme et saisir les libertés offertes par la couleur et la lumière pour traduire la fugacité d’un nuage, le courant de l’eau ou l’impétuosité des éléments comme en témoigne ci-contre L’incendie du Parlement de Westminster que le peintre immortalisa de couleurs incandescentes en 1834. Pour cet "or en fusion" (Edmond de Goncourt), les scénographes de l’exposition ont choisi de tapisser les murs du Grand Palais d’orange vif contrastant singulièrement avec le bleu sombre des salles consacrées à James Whistler (1834-1903) et à Claude Monet (1840-1926).

L’Américain dont nous possédons bien peu d’œuvres en France est l’auteur d’admirables nocturnes, de compositions toutes de bleus, de verts et de gris où les chalands glissent sur l’eau étale du fleuve à Battersea ou à Chelsea, enveloppés d’un halo de brouillard inspirant fortement le peintre qui s’est nourri de Turner dès son premier voyage au Royaume-Uni. Du réalisme, il passe au symbolisme - ses toiles sont ponctuellement empreintes d’une esthétique japonisante - tout en annonçant l’impressionnisme et son chef de file, Monet.

On connaît assez bien l’histoire de cette filiation : le Français s’installe en 1870 à Londres où il demeure plusieurs mois, fuyant la guerre contre la Prusse. C’est à trente ans qu’il découvre à la National Gallery les œuvres de Turner et qu’il visite, au cours du même voyage, l’atelier de Whistler. Comme l’Américain, l’artiste français peint des vues de la Tamise dans le brouillard et s’extasie sur l’Angleterre, son activité et ses fumées enivrantes (rien n’est plus triste pour Monet qu’un dimanche sur la Tamise, alors que les fumées industrielles se sont volatilisées et que la ville a perdu du charme de sa modernité). Les deux hommes deviennent amis, s’entraident pour faire connaître leur œuvres et exposer à Paris comme à Londres dans les années 1880. Leurs conversations épistolaires se prolongent picturalement, comme en témoignent les vues de la Tamise qu’ils effectuent depuis les fenêtres du prestigieux hôtel Savoy. Si tous d’eux sont préoccupés par les effets de lumière et d’atmosphère, chacun conserve néanmoins, au-delà de sa gamme chromatique, sa personnalité et sa technique.

Partie de Toronto, où le Musée des Beaux-Arts de l’Ontario a eu le premier l’idée de cette confrontation, avec le concours du Musée d’Orsay à Paris et de la Tate Gallery à Londres, l’exposition dont le pivôt semble bien être, et pour cause !, Impressions soleil levant, rejoindra les bords de la Tamise après son escale parisienne, permettant aux Londoniens d’admirer nombre de chefs-d’oeuvres et les grandes suites de l’impressionniste français (les trois Bras de Seine près de Giverny et les quatre Le parlement, coucher de soleil) réunies de manière exceptionnelle pour l’exposition.

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